La province de la Saskatchewan abrite une communauté de 15000 Fransaskois (1,5% de la population totale)

La Saskatchewan est aujourd’hui totalement absente du Réseau des villes francophones et francophiles d’Amérique. Il est vrai que cette province des Prairies canadiennes est l’une des moins francophones du Canada. Les habitants de langue maternelle française n’y représentent que 1,9% de la population et ceux parlant le Français le plus souvent à la maison seulement 0,5% (Statistique Canada, 2011), reflétant ainsi un taux d’assimilation élevé. Les deux plus grandes villes de la province, Saskatoon (222000 habitants) et la capitale Regina (193000 habitants) se situent dans ces moyennes provinciales.

Il y a pourtant des lueurs d’espoir, même si le renouvellement naturel de la population francophone est insuffisant car la population est vieillissante et le taux de natalité trop bas. Les habitants qui utilisent le Français comme première langue officielle parlée représentent 1,5% de la population, que ce soit leur langue maternelle ou non. C’est d’ailleurs plutôt sur ce critère que la communauté fransaskoise se définit. Quand on ajoute les Anglophones qui « parlent français », ce pourcentage est beaucoup plus élevé (4,6%). De plus, avec un meilleur accueil des immigrants francophones, la communauté fransaskoise, qui est déjà bien vivante et active, pourrait même espérer un renouvellement durable. Tous les espoirs sont donc permis pour assurer le maintien de la langue française ! Qu’est-ce qui retient alors les villes fransaskoises de mieux s’ouvrir au monde francophone et francophile extérieur ?

En s’appuyant sur un rappel des origines francophones de la Saskatchewan et sur des faits statistiques des villes et villages à forte minorité fransaskoise, cet article s’efforce, en toute modestie, d’encourager les Fransaskois dans la voie du Réseau des villes francophones et francophiles d’Amérique. Oui, les Fransaskois méritent le détour !

Les origines francophones de la Saskatchewan

Carte de la Saskatchewan

Les villes de la Saskatchewan dans l’Ouest canadien

La colonisation de la Saskatchewan s’inscrit dans celle de l’Ouest canadien, dont le Manitoba est le territoire précurseur, sous l’impulsion de la communauté des Métis de l’Ouest : voir sur ce site les articles La conquête francophone de l’Ouest canadien, pour le XVIIIe siècle, et Où est passée la pluralité franco-manitobaine ?, pour le XIXe siècle.

Mais c’est surtout de 1897 à 1920 que déferla la vague principale de colons sur l’Ouest canadien, à partir du Manitoba, encouragée par la construction de la ligne principale du chemin de fer Canadien-Pacifique [réf.1]. Winnipeg fut atteint en 1877 et la Colombie-Britannique en 1885. Le gouvernement fédéral ouvrit en 1882 des districts de colonisation qui deviendront en 1905 les provinces de la Saskatchewan et de l’Alberta. A l’immigration canadienne-française s’ajouta une immigration européenne francophone, notamment française et belge.

En Saskatchewan, la colonisation francophone se concentra essentiellement dans trois régions. La première est située au sud-est de la province, près de la frontière avec le Manitoba, dans des petits villages comme Bellegarde (d’origine belge), fondé en 1898 à l’est de l’actuelle petite ville de Carlyle. C’est aussi dans cette région que fut fondée en 1885 l’exploitation agricole de la Rolanderie, financée et organisée par des aristocrates français, qui attira dans la région des colons catholiques français et belges. La paroisse de la Rolanderie, rebaptisée Saint-Hubert, fut fondée en 1890 [réf.2, Saint-Hubert]. Il n’en reste aujourd’hui qu’une église et un cimetière (mission Saint-Hubert), situés à l’ouest de la petite ville de Moosomin.

Pèlerinage de Saint-Laurent-Grandin, le long de la rivière Saskatchewan Sud

Pèlerinage de Saint-Laurent-Grandin, ancienne mission métisse, le long de la rivière Saskatchewan Sud

La deuxième région de colonisation francophone est située au centre-nord de la province, où Auguste Bodard, secrétaire général de la Société d’immigration française au Canada, encouragea, au tournant du siècle, l’immigration massive de Français et de Canadiens-français dans les anciens villages métis du nord-ouest, dans les environ de Saskatoon et de Prince Albert [réf.1]. Les colons s’établirent notamment dans les villages de Batoche et de Saint-Laurent-Grandin, le long de la rivière Saskatchewan Sud, aujourd’hui lieux de mémoire rattachés à la municipalité rurale de Saint-Louis, au sud de Prince Albert.

La troisième région de colonisation se développa au sud-ouest de la province, autour de la communauté canadienne-française de Gravelbourg, fondée en 1906 par l’abbé Louis-Pierre Gravel. Mais c’est son frère Emile, laïc et avocat, qui accomplit le plus gros travail sur le terrain pour soutenir l’installation des colons et construire les principaux bâtiments [réf.1].

Que reste-t-il maintenant de ces premiers foyers de francophonie, après un siècle d’assimilation anglophone massive ?

La communauté fransaskoise aujourd’hui

Drapeau fransaskois

Le drapeau fransaskois, aux couleurs de la Saskatchewan, représente la communauté francophone depuis 1979

Et d’abord, qu’est-ce qu’un(e) Frankaskois(e) aujourd’hui ? Selon un rapport de l’Assemblée communautaire fransaskoise [réf.3], « …Un Fransaskois ou une Fransaskoise est une personne qui s’identifie à la francophonie en Saskatchewan, actuellement ou dans le passé, que ce soit par la naissance, par le mariage, ou par l’adoption de la communauté fransaskoise ou l’identification à celle-ci, qui contribue à la vitalité de la langue française ainsi qu’à l’épanouissement et au développement des communautés francophones en Saskatchewan, tout en reconnaissant qu’il existe plusieurs façons d’y contribuer…« .

Le critère de la première langue officielle parlée est alors beaucoup plus pertinent pour désigner les Fransaskois aujourd’hui, puisqu’ils utilisent le français dans leur vie quotidienne, qu’elle soit leur langue maternelle ou non. La carte établissant le pourcentage de la population de la Saskatchewan ayant le français comme première langue officielle parlée (Statistique Canada, 2006) est particulièrement éclairante à cet égard. Dans la circonscription rurale la plus francophone de la province (en violet), le principal foyer de francophonie est justement la ville de Gravelbourg (1060 habitants), fransaskoise à 27,4%, soit 290 personnes (Statistique Canada, 2011). Les quelques autres municipalités rurales à forte minorité fransaskoise sont de plus petite taille. On y trouve les petites villes de Ponteix (565 habitants, fransaskoise à 23,9%) et Willow Bunch (285 habitants, fransaskoise à 21,1%).

Ville de Prince Albert, le long de la rivière Saskatchewan Nord

Ville de Prince Albert, le long de la rivière Saskatchewan Nord

Dans trois autres circonscriptions rurales (en orange foncé), au sud-est et surtout au centre-nord de la province, la Francophonie y est toujours vivante et active, certes en moyenne de façon très minoritaire (2 à 5%), mais au-dessus de la moyenne provinciale. La ville principale du centre-nord est Prince Albert (35000 habitants), fransaskoise à 2,7% (950 personnes). Mais il existe aussi de fortes minorités fransakoises dans des localités rurales de petite taille, dispersées sur le territoire. C’est le cas de la municipalité rurale de Saint-Louis (970 habitants), fransaskoise à 34% (330 personnes), qui englobe le village de Saint-Isidore-de-Bellevue (115 habitants), à large majorité fransaskoise (60,9%). C’est le cas aussi d’autres localités du centre-nord de la province, comme le village de Debden (340 habitants), fransaskois à 29,4%, au nord-ouest de Prince Albert, et celui de Zenon Park (185 habitants), fransaskois à 43,2%, au nord de la ville de Tisdale.

Alors oui, des foyers de francophonie existent donc toujours en Saskatchewan !

Les Fransaskois méritent le détour

D’un point de vue purement statistique, si les plus grandes communautés fransaskoises se trouvent dans les grandes villes, à Saskatoon (3500 personnes), Regina (2500) et Prince Albert (950), les deux principaux foyers « ruraux » de Francophonie se situent à Gravelbourg et, non loin de là, à Ponteix, au sud-ouest de la province.

Panneau d'accueil bilingue de Gravelbourg

Panneau d’accueil bilingue de Gravelbourg, Saskatchewan

Gravelbourg est surnommée « le bijou culturel » de la Saskatchewan, au caractère bilingue, et dispose de trois institutions d’enseignement en français, l’école Beau-Soleil, l’école secondaire Mathieu et le collège Mathieu, seul collège post-secondaire technique et professionnel en français de la Saskatchewan depuis 1918. Ponteix est également bilingue et dispose aussi d’une école en français, l’école Boréale. Ces écoles font partie d’un réseau plus large de 13 écoles fransaskoises à l’échelle provinciale.

La communauté fransaskoise s’est organisée dans les grandes villes, à Saskatoon (Fédération des Francophones de Saskatoon), Regina (Association canadienne-française de Regina) et Prince Albert (Société canadienne-française de Prince Albert), au service de la population de langue française. Depuis 2015, l’Université de Regina abrite la Cité universitaire francophone, ce qui marque une étape déterminante dans le développement de l’enseignement et de la recherche en français en Saskatchewan.

Ces quelques indications n’ont bien sûr pas la prétention de brosser un tableau complet de la Francophonie en Sasktchewan. Elles tentent simplement de montrer que les Fransaskois ont des raisons légitimes de s’intégrer au Réseau des villes francophones et francophiles d’Amérique. Pourquoi ne l’ont-ils pas fait ? Comptent-ils le faire ? En vérité, les Fransaskois méritent vraiment le détour !

Références bibliographiques

[1] Etienne Rivard, La Francophonie nord-américaine, chap. 3, art. 7 : diversification culturelle et dispersion spatiale dans les plaines de l’Ouest, Québec, Presses de l’Université Laval, 2012.
[2] Musée Virtuel Francophone de la Saskatchewan (Société historique de la Saskatchewan).
[3] De la minorité à la citoyenneté (Rapport de l’Assemblée communautaire fransaskoise, 2006).